Dans la suite du billet de la semaine dernière autour des corans anciens et enluminés, je vous propose aujourd’hui de continuer à découvrir la richesse des manuscrits en terre d’Islam, mais cette fois autour de l’enluminure figurative. Car si le Coran l’exclu, il existe pourtant bien des œuvres qui regorgent de représentations figurées : c’est notamment le cas des textes historiques, littéraires ou scientifiques.
Les représentations humaines, animales sont apparues à partir du 9e siècle dans les arts islamiques (céramique, art du métal, et bien sûr dans les manuscrits). Le rapport à l’image n’étant pas le même entre les différentes régions et cultures, on trouve ainsi peu de figuration dans le monde arabe en dehors des écrits scientifiques et de rares œuvres littéraires, mais beaucoup plus en Turquie, Perse et en Asie.
Je vous propose ici de s’attarder un peu sur trois types de manuscrits :
Les manuscrits scientifiques :
Les sciences en terre d’Islam ont connu un grand développement au Moyen Age qui s’est accompagné d’une large production d’ouvrage à caractère scientifique inspirés des manuscrits grecs. Ces ouvrages ont été souvent décorés pour compléter le texte, lui apporter des précisions ; qu’il s’agisse de botanique, d’astrologie, médecine ou encore d’hippiatrie, la science relative au cheval.
(Voir enluminures 1 à 4)
Les Séances :
Les « Maqâmât » ou Séances, genre littéraire arabe apparu au 10e siècle, dont la forme la plus célèbre fut écrite par Al Harîrî au 12e siècle, sont des textes littéraires très connus, qui furent largement illustrés et copiés. Les Maqâmât narrent en 50 séances les aventures d’Al Hârith, un narrateur naïf, et d’Abû Zayd, un vagabond malicieux, qui cherche à s’enrichir grâce à la ruse et à l’éloquence. Chargées d’humour et d’ironie, les Séances sont une source importante sur la vie et la société pendant la période abbasside, notamment grâce à leurs illustrations.
(Voir enuminures 5 à 8)
Les fables de Kalila et Dimna :
D’origine indienne, le livre de Kalila et Dimna ou Fables de Bidpaï, sont une compilation de fables animalières célèbres et ont été adaptées en arabe à partir du 8e siècle. Dans un but didactique, elles mettent en scène deux chacals au sein d’histoires à dimension morale. Utilisées dans l’éducation morale des princes, elles furent connues dans le monde occidental et influencèrent la littérature médiévale et moderne. Elles inspirèrent également La Fontaine pour ses fables.
(Voir enluminures 9 à 12)
Enluminures :
1. « Livre de la thériaque », ouvrage de pharmacologie, Syrie, 1199, conservé par la BNF : description de l’élaboration de la thériaque, un antidote contre les morsures de serpents
2. Traité d’hippiatrie, Inde, 18e siècle (BNF) : représentations de différentes races de chevaux et de leurs robes
3. « Le lever des astres chanceux et les sources de la souveraineté », Turquie, 16e siècle (BNF) : livre d’astrologie : ici représentation des signes du zodiaque : les poissons, avec figurations de Jupiter, Saturne et Mars
4. « Livre de la thériaque », Syrie : représentation d’un tableau de plantes médicinales
5. « Les Séances » d’Al Harîrî, peintes par Al Wâsitî, Irak, 1237 (BNF)
6. Séance 43 : représentation des héros Al Hârith et Abû Zayd discutant avec un homme dans un village. On peut noter la richesse de l’illustration qui comprend des animaux, des éléments d’architecture, et de nombreux personnages aux fonctions et tenues variées.
7. Séance 24 : représentation d’Abû Zayd usant de son éloquence avec un groupe de personnage dans un riche jardin en Andalus
8. « Séances », manuscrit syrien, 13e siècle (BNF) : représentation d’un navire à voiles navigant sur l’Euphrate
9. « Kalila wa Dimna », Syrie, 13e siècle (BNF) : représentation des deux chacals Kalîla et Dimna. Il s’agit d’un des plus anciens manuscrits conservés.
10. Kalîla et Dimna, Irak, 1392 (BNF) : les deux chacals conversant (droite), un renard interrompant le combat de deux bouquetins (gauche)
11. Kalîla et Dimna, Egypte ou Syrie, 14e siècle (BNF) : représentation de la fable « Les hiboux et les corbeaux » dont la dimension morale incite à la prudence face aux ennemis.
12. Kalîla et Dimna, Egypte ou Syrie, 14e siècle (BNF) : représentation de la fable « Le lièvre et le lion », une histoire dans laquelle le lièvre triomphe du lion par la ruse.