Après avoir évoqué l’enluminure dans les manuscrits juifs et chrétiens, je vous propose aujourd’hui une autre découverte : les manuscrits islamiques, et plus particulièrement les corans anciens enluminés.
Si l’image figurative est écartée du domaine religieux dans l’Islam, l’écriture, transcription du Verbe divin, est particulièrement importante et symbolique, et se place ainsi au cœur de l’art islamique. Un art non figuratif et propre à l’Islam, dans l’idée de magnifier le texte et basé sur la calligraphie, l’ornementation géométrique et l’arabesque, naît dès le VIIe siècle. Cet art, né pour et dans les corans, s’étend également dans tous les autres livres religieux (théologie, exégèse…) et même au domaine profane.
La calligraphie, considérée comme symbolique mais aussi décorative, devient un véritable art à part entière ; en magnifiant le texte, elle magnifie alors la Parole divine. C’est dans cette idée que de nombreux souverains et princes musulmans étaient eux-mêmes de grands artistes calligraphes.
Dans les corans, les décors ont aussi une fonction : ils soulignent et signalent les divisions du texte, les sourates et les versets ; ainsi, ils participent de l’amélioration de la compréhension du texte. Sous forme de composition géométrique, en partant d’une figure de base (étoile ou polygone en général), ils sont composés par des lignes jusqu’à former et développer de nouvelles formes et constructions géométriques. Des éléments végétaux d’origine byzantine et influencés par les arts asiatiques, en courbes, forment aussi une partie du décor : les arabesques. Les décors des corans sont ainsi formés par un délicat mélange de lignes et courbes se complétant les unes les autres.
Les ornements les plus petits signalent la fin des versets, des rosettes circulaires indiquent les séquences de cinq ou six versets. On retrouve également des « pages-tapis » (entièrement décorées, sans texte) qui marquent les juz’ (parties) ainsi que des titres ornés pour les sourates. L’or, le bleu, le vert, et le rouge, couleurs aux valeurs ésotériques, sont majoritairement utilisées dans ces décors.
Je vous laisse maintenant découvrir quelques exemples de corans anciens décorés :
1. Egypte, 15e siècle, conservé par la bibliothèque nationale de France où l’on peut apercevoir des rosettes circulaires, marquant l’emplacement des versets
2. Iran, 15e siècle, BNF : exemple de « Fâtiha », sourate ouvrant le Coran et occupant ainsi une place de choix dans les livres car elle est souvent celle qui est la plus richement décorée. Elle occupe aussi une place importante dans la vie des croyants car elle est l’élément principal de la prière.
3. Origine inconnue, 9e-10e siècle, BNF : un coran ancien illustrant ici la fin d’un groupe de versets par une rosace. On voit également que l’écriture elle-même est décorée d’or et de rouge
4. Espagne, 1304, BNF : « pages tapis » (entièrement décorées et sans calligraphie), dans la forme carrée typique des corans maghrébins
5. Egypte, 15e siècle, BNF : « page tapis », premier feuillet du volume, décor de type ancien formé d’entrelacs d’arcs de cercle.
6. Même manuscrit : dernier feuillet du volume, on peut y voir le titre de la dernière sourate en lettres d’or. Les motifs dans le fond du décor n’ont ici pas de fonction de repérage mais sont seulement ornementaux.
7. Turquie, 16e siècle, BNF : premier feuillet du volume comprenant de riches motifs floraux
Bonne découverte !