Je vous propose aujourd’hui un nouveau billet autour des manuscrits hébreux du Moyen Age. J’ai choisi pour l’occasion de vous présenter deux codex médiévaux parmi les plus anciens : le codex de Leningrad et le codex d’Alep.

Le codex de Leningrad, daté du 11e siècle, et plus exactement de 1008, est aujourd’hui conservé à la Bibliothèque Nationale Russe (située à Saint Pétersbourg). Il s’agit de la plus ancienne copie conservée dans son intégralité de la Bible hébraïque, utilisant le texte massorétique et la vocalisation tibérienne du Texte (c’est à dire la prononciation canonique). Il fut, selon les hypothèses les plus plausibles, rédigé au Caire à partir du Codex d’Alep, lui-même copié en Galilée au 10e siècle vers 910-930 et connu comme la plus ancienne version de la Bible hébraïque, mais demeurant incomplet (196 folios manquants sur plus de 400) depuis le pogrom d’Alep en 1947.

Conservé par le Musée d’Israël de Jérusalem et inscrit depuis 2016 sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, le codex d’Alep est considéré comme le texte le plus fiable en matière de texte biblique, mais aussi concernant la vocalisation du texte (en relation avec les nikkudot : les points voyelles dans les textes) et la cantillation liturgique (le chant rituel du texte) en relation avec les indications du texte servant à la prononciation et aux tonalités/hauteurs à donner au texte chanté. Maïmonide aurait utilisé le codex d’Alep pour édicter les règles de rédaction des rouleaux de la Torah. C’est donc en partie pour cela qu’il est considéré comme une autorité en matière de massore, la transmission de la tradition concernant les Ecritures.

Ces deux codex font ainsi partie des plus importantes sources de référence pour les chercheurs et les biblistes, encore aujourd’hui.Ainsi, le codex de Leningrad sert encore de base pour les éditions et traductions modernes de l’Ancien Testament et de la Bible Hébraïque. Par exemple, il servit de base à l’écriture de la Biblia Hebraica Stuttgartensia en 1977, considérée comme une édition très fiable du Texte, et la version de l’Ancien Testament la plus diffusée.

Ce codex, fait de parchemin et relié en cuir, est extrêmement bien conservé malgré quelques altérations. Il comprend 16 folios entièrement décorés de motifs géométriques auxquels se mêlent les écritures, et est donc un témoin important de l’art juif médiéval du début du 11e siècle.

Acquis par la communauté juive de Damas au 15e siècle, il fut transféré dans l’empire russe au 19e siècle et est conservé à Saint Pétersbourg depuis 1863. Le codex de Leningrad sert de source pour les chercheurs qui tentent de reconstituer le codex d’Alep.

Je vous laisse maintenant découvrir quelques folios constituant ces deux codex :

Images 1 à 9 : Codex de Leningrad, pages décorées situées au début du codex. Les décorations de ce codex sont constituées des motifs géométriques, eux-mêmes formés par le texte, les dorures, peintures ou encore lignes de couleurs tracées minutieusement. Le texte lui-même sert parfois de motif géométrique (image 9 par exemple). On retrouve également à plusieurs reprises le motif de l’étoile de David, parfois en pleine page (image 2).

Images 10 et 11 : aperçus du codex d’Alep. Depuis les années 2000, plusieurs fragments ont été retrouvés par les chercheurs, qui travaillent toujours à sa reconstitution.

Raphaëlle Barbier